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Au cœur de la région de Skafia, Kallikratis est un village marqué par l’histoire. La résistance crétoise prend toute sa signification à cet endroit. Se trouvant à une altitude moyenne de 540 mètres, ce village est maintenant habité par quelques dizaines de familles pendant la période de mai à octobre. C’est tout de même un endroit prisé pour les amateurs de randonnées qui sillonnent les nombreuses gorges sur l’île de Crète.

Le village tire son nom de l’amiral Manousos Kallikratis qui a mené une troupe de 1500 crétois en soutien à la défense de ville de Constantinople en 1453. Kallikratis et ses habitants ont subi leurs lots d’atrocités, notamment en 1770 pendant la révolte contre l’empire Ottoman, et le village fût incendié en 1821 et en 1866 lors de combats contre les turcs. 

Par contre, le pire épisode s’est déroulé le 8 octobre 1943 lorsque qu’une trentaine de civils furent exécutés par les forces allemandes sous le prétexte de représailles pour les efforts de résistance des crétois pendant la 2ème Guerre Mondiale. Le 3 octobre 2018, ce village a reçu la distinction peu enviable par décret présidentiel de « village martyre ».

De nos jours, la réputation de cet endroit perdu s’en remet à l’une des routes les plus dangereuses au monde. L’accès au village Kallikratis par la route venant de Kapsodasos est une montée escarpée en zigzag étroite et abrupte du sud-ouest de la Crète, et comporte plus de 25 virages en épingle dont une section célèbre de 2 km avec une ascension assez raide de près de 9%.

Un de mes bons amis (René Bousquet) s’est retrouvé à y accéder par le nord-est en 2008. Voici un extrait de son expérience :  

La route de Rethymnon à la gorge d’Imbros fut, et le mot est faible, périlleuse. Une bonne étoile dut me suivre pour être sorti de ce périple vivant. Je pris la route vers l’ouest et je tournai vers le sud à la première occasion. Après un certain temps, je vis les montagnes apparaître à l’horizon… Des montagnes imposantes… C’était le début des montagnes blanches. La chaîne de montagnes la plus sauvage de Crète. Je m’engageai dans une route de plus en plus sinueuse, de plus en plus abrupte.

La terre était devenue inhospitalière, indompté, rebelle. J’étais en terre de résistance, au pays des disciples ; ceux qui ont tenu tête aux avides conquérants pendant des siècles. À l’intersection menant vers Asi Gonia, je décidai de poursuivre dans les montagnes plutôt que de me rendre au village. L‘endroit était trop bizarre. L’affiche indiquant le village était criblée de balles de fusil, un vrai piquet d’exécutions. Rien n’invitait à traîner dans ce lieu. 

La pente ascendante et les zigzags étaient devenus irréels. Les roues glissaient sur le pavé inondé d’éboulis et de débris. Sur plusieurs kilomètres, je dus contourner des pierres instables avec une chute de cinq cents mètres à ma droite, sans aucun rempart pour me réconforter. Que faire ? Impossible de faire demi-tour sur cette route ! Il fallait continuer… 

Au cœur du plateau, je rencontrai de vieux montagnards. Ils étaient agglutinés autour d’une table, à l’ombre d’un châtaignier, en train de jouer aux dés. Enfin, il y avait un peu d’humanité dans ce coin indompté. J’étais arrivé à Kallikratis. Une vieille dame se leva de la table et vint dans ma direction les bras tendus vers l’avant pour m’accueillir. Je crus qu’elle allait m’appliquer une compresse au lait de chèvre sur le front. Sans doute, n’eut-elle jamais vu une couleur de visage comme la mienne. J’étais vert comme ma voiture. Est-ce bien KA… KA… LI… KRA… TIS… TIS… euh… TIS… ici ? baragouinai-je. La vieille dame me fit un sourire d’illuminé. 

La route continua à monter sur un ou deux kilomètres. En plein milieu de la route, un troupeau de chèvres avait élu domicile. Tout le troupeau avait décidé de faire une sieste, empilé sur ce tronçon. Elles bloquaient la route dans une indifférence totale. Je pris une pause pour les regarder sans broncher. Je voulus profiter entièrement de ce moment magique. Je venais de sortir de la route de la mort. Devant moi, à trois kilomètres au sud et mille mètres plus bas, apparaissait la mer de Libye dans toute sa quintessence. 

 

Par Patrick Hadsipantelis aet René Bousquet

 

 

Tags: Crete. Island. News.

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